Nous avons tous des histoires de pertes et de deuil. Des petites et des grandes.
Mon tsunami à moi a été le décès d’Estée, notre deuxième fille, quand elle est morte dans son sommeil, la veille de ses 8 mois. Le monde qui s’arrête et ma respiration avec. Cette impression aigue d’être là, coincée dans cette vérité impossible, et en même temps absente à moi même. Dans la sidération et avec cette question lancinante : Pourquoi ? Pourquoi moi ? Pourquoi encore la mort ?
Parce qu’à 40 ans, j’avais tout. Tout ce qui à mes yeux faisait une vie réussie. Après 25 ans de reconstruction j’y étais enfin ! Un mari aimant, deux filles en pleine santé, une jolie maison au fond d’un joli jardin de ville, un job stimulant et gratifiant, des amis proches, un tas de copains… Et PAF ! Sans prévenir, sans aucun signe, sans même que je le soupçonne – car oui enfin, à 40 ans, j’avais confiance et n’avais plus peur de la vie – tout s’arrête. A nouveau. Retour à la case départ des abimes de chagrin et d’incompréhension, des sommets d’injustice et des avalanches de questions sans réponse.
Parce que ces questions existentielles je pensais y avoir trouvé mes réponses. Je connaissais déjà bien le chemin du deuil. Avant l’âge de 15 ans, j’avais perdu trois des cinq personnes sur lesquelles mon monde s’appuyait. Mon grand-père adoré à l’âge de 7ans, et 8 ans plus tard, en moins d’un mois, mon père d’un accident de la route et ma grand-mère d’une longue maladie.
Il m’avait fallu 25 ans pour faire la paix avec la vie. Pour ne plus me sentir victime des circonstances. Pour donner du sens à mon histoire en apprenant à me connaitre, en allant à la rencontre de mes désirs et en accueillant les mystères de ce qui est plus grand que moi.
Et toutes ces questions qui revenaient au galop :
- Pourquoi moi ? Pourquoi ça ? Pourquoi maintenant ?
- Est-ce que la souffrance et le chagrin ont un sens ?
- Est-ce que tout cela en vaut seulement la peine ?
- Comment reprendre goût à la vie ?
- Comment honorer ce qui a été et qui n’est plus ?
- Comment faire ? Pour sortir de mon lit ? Pour arrêter de souffrir ?
- Par où et par quoi commencer ?
Quand Estée est décédée, j’accompagnais déjà des personnes en transition professionnelle. Le matin même de sa mort, j’avais accepté l’offre de rejoindre une petite structure spécialisée dans l’accompagnement du changement. Une étape qui répondait à mes rêves professionnels les plus anciens. STOP à cette opportunité ! Et encore plus de pourquoi ?
Evidemment, pendant quelque temps j’ai arrêté d’écouter les autres et leurs histoires de vie. La mienne prenait trop de place. Mais, après avoir pris le temps d’honorer la vie et l’amour, l’envie de cheminer avec les autres est revenue. Et 30 mois après le décès d’Estée, j’ai quitté l’entreprise célèbre et prospère qui m’employait pour rejoindre la petite société plus frugale qui avait déjà essayé de me débaucher avant.
Mauvaise pioche ! Septembre 2008 et la crise financière. Baisse de chiffre d’affaires, mauvais assortiment, il n’a pas fallu six mois pour que je me retrouve dehors, congédiée par un second couteau. Privée immédiatement de ma voiture de fonction, les sièges de voiture de mes filles à mes pieds dans la neige de janvier, je suis rentrée chez moi en taxi. Sous le choc de l’inattendu, en colère du manque de courage de mon boss, vexée du traitement expéditif, penaude vis à vis de ma famille et dans un sentiment d’échec ENORMISSIME.
Nouvel arrêt. Nouvelle crise du sens.
Mais qui n’a pas duré si longtemps. Car l’ensemble de ces événements de vie m’a permis, au fil des bouts de chemin qui ont à chaque fois suivi, de développer cette formidable conviction, cette foi chevillée au corps, qu’il est possible de faire le choix de la vie, de la croissance personnelle. Même si au départ on ne sait pas ce que ça veut dire. Même si on ne sait pas comment.
Alors quelle que soit la perte à laquelle vous devez faire face, rappelez-vous que la résilience fait partie de votre nature. Quand le chaos est là, votre liberté ultime est de ne pas vous y soumettre et de continuer à vivre votre vie la plus belle possible.